vendredi 28 octobre 2011
Le décor se crée en fonction de l’espace
Vu que les surfaces habitables se réduisent, l’architecture d’intérieur ne peut plus faire économie de ce paramètre. Malgré une occidentalisation certaine, le salon marocain est indétrônable
Acquérir un appartement, ou mieux encore, une villa fait partie de nos rêves légitimes. Imaginons que le rêve devienne réalité. Nous voici donc au sein de notre intérieur. Des espaces, des volumes sont là ; il va bien falloir les remplir, leur donner corps, leur transmettre une âme. Or, chaque espace est dévolu à une fonction précise. Par conséquent, il faudra les appréhender de manières différentes. Interrogé à ce sujet, Fayçal Sentissi, architecte (DPLG), note que «le recours à l’architecte d’intérieur a lieu de plus en plus chez les particuliers, alors qu’auparavant c’était plutôt les professionnels qui réclamaient ses services». Et d’ajouter : «La clientèle marocaine lui donne enfin ses lettres de noblesse». Toutefois, force est de reconnaître que la confusion perdure entre les fonctions propres aux architectes d’intérieur, aux designers et aux décorateurs. Dans la réalité, il faut en fait 6 à 7 ans de cursus pour être diplômé architecte DPLG, 3 à 4 ans pour devenir architecte d’intérieur. Le designer aura une formation davantage ciblée sur son talent propre, même si c’est le design industriel qui l’emporte. Quant au décorateur, il peut être formé ou totalement autodidacte.
Economies de surfaces
Avant d’entrer dans le vif du sujet et de déambuler virtuellement en compagnie de Fayçal Sentissi au sein d’espaces contemporains, une précision s’impose. Aujourd’hui, les appartements de haut standing sont de plus en plus conçus comme des villas avec néanmoins un épineux problème : désormais, on a tendance à construire des appartements aux standards occidentaux pour réaliser des économies de surfaces.
Mais allons de l’avant avec notre architecte DPLG, lequel nous fait pénétrer au sein de la réception. «Cet espace d’apparat va afficher la notoriété et l’identité de l’habitat», affirme Fayçal Sentissi. Là, immuable, trône le selon beldi qui demeure obligatoire. Puis vient le salon européen et finalement le coin feu. Il s’agit ici d’appellations génériques. Ces espaces sont groupés alors qu’auparavant ils étaient séparés. Le fait de les rassembler a donc produit des conséquences imparables. Ainsi, selon Fayçal Sentissi, le salon marocain s’est métamorphosé en «espace ethnique», pas systématiquement typé marocain car pour ce faire, le coût demeure élevé. En effet, si on veut des plafonds en cèdre sculpté, du stuc, du zellige, du tadlakt…, le budget explose ! C’est pourquoi ce lieu aura forcément une assise marocaine mais incluera des influences asiatiques. Un esprit zen l’habitera, on percevra des niches murales et des habillages muraux chatoyants.
Fayçal Sentissi nous fait ensuite entrer dans le salon européen en nous indiquant que l’on est passé d’un lieu classique où on trouvait un canapé, un ou deux fauteuils et une table avec ses chaises, à une configuration en L agrémentée d’une table (parfois gigogne). Ceci-dit, comme cet espace est aujourd’hui de plus en plus sollicité, notamment pour visionner la télévision, il a tendance à se substituer au séjour et par conséquent s’efforcera d’afficher au mieux le statut social de l’habitat.
Pour ce qui est du coin feu, traditionnellement il trouvait sa place dans des espaces angulaires. Mais de nos jours, Fayçal Sentissi avoue que «seule l’appellation demeure. L’âtre ou la cheminée bioéthanol, laquelle peut être carrément considérée tel un meuble transportable prédominent. Nulle fioriture». Toujours suite à cette nécessité d’économie d’espaces, le hall est un endroit qui a dû évoluer. Autrefois, il avait pour fonction de desservir les différents espaces. Certes, c’est toujours en vigueur au sein des villas. Alors sa décoration est riche et recherchée : jolies consoles d’époque, miroirs vénitiens, tableaux… Mais dans les appartements, il est forcément restreint. On débouche alors sur des espaces ouverts communs, voire un long couloir.
Le séjour, lieu de vie par excellence
Suivons Fayçal Sentissi au sein de la salle à manger ou encore le séjour. Selon lui, il s’agit là d’une pièce incontournable de l’habitat marocain. C’est l’espace central et familial par excellence. Malheureusement, dans les appartements récents le salon européen fait de plus en plus office de séjour. Mais cet endroit est tellement ancré dans l’imaginaire collectif, il fait tant partie des us et coutumes que parfois le propriétaire n’hésite pas à transformer une chambre en séjour car il s’agit d’un lieu de vie propice à l’intimité et à la convivialité. Ceci-dit, dans tous les cas, ce séjour-salle à manger sera proche de la cuisine. Cette dernière d’ailleurs n’est pas encore considérée tel un espace de vie.
Cuisine fermée
En effet, Fayçal Sentissi a raison de dire «qu’en Europe, la cuisine a tendance à être ouverte sur la réception. Or, chez nous, elle est fermée et intègre parfois un office dédié à la domesticité. Il s’agit d’un espace sciemment clos pour préserver l’espace familial». Il va sans dire que le must de l’électroménager y a sa place.
Aujourd’hui, la chambre à coucher se décline forcément au pluriel. En effet, il faut parler de chambres à coucher, car la distinction est nette entre celles destinées aux enfants de sexes et d’âges différents et celle dédiée aux parents. D’ailleurs, cette dernière est plus communément appelée «appartement des parents». Selon Fayçal Sentissi, les premières ont généralement une salle de bains commune et des placards de rangement, tandis que dans le second on y trouve le fameux dressing et une salle de bains. Pour les chambres, en guise de décoration, le traitement sera plus chaleureux : parquet au sol, coloris chatoyants, ambiance feutrée. Chez les enfants, la tendance est au mobilier et à la déco thématique. «Les chambres se customisent selon les goûts de l’enfant ou de l’adolescent. Ils y reproduisent leur univers mental fait de B.D. auto, groupes musicaux…», note notre architecte DPLG. Certes, c’est totalement différent pour ce qui concerne l’appartement des parents. Là, on optera pour du beau mobilier au design abouti, des matériaux nobles, un éclairage diffus… un peu à l’image des somptueuses suites de certains établissements hôteliers. Quant au précieux et si pratique dressing, Fayçal Sentissi avoue que son approche demeure encore trop artisanale. «C’est très complexe à réaliser. Donc la mode est au dressing clés en main. Néanmoins, les prix pratiqués localement sont encore dissuasifs», avertit Fayçal Sentissi.
SDB toutes options
La salle de bains, si elle est fonctionnelle pour les enfants, elle sera plus recherchée pour les parents. Intégrée à leur chambre, elle doit faire écho au bien-être, aux ambiances distillées dans certains spas. Localement, en matière de sanitaires, tout est présent. Si le bain hydro-massant avait encore récemment la cote, la tendance actuelle est à la douche à paroi vitrée (rain shower). Le gain de place est non négligeable et on se rend finalement compte que la baignoire est davantage utilisée par les enfants en bas âge… ainsi que les dames. Côté déco, Fayçal Sentissi reconnaît que «le revêtement est souvent luxueux au sein des villas, tandis qu’il mérite d’être amélioré dans les appartements».
Balcons... héritage colonial
Vu que des économies de surface sont nécessaires, quitter cette promiscuité forcée et respirer un grand bol d’air est désormais possible via les balcons. Fayçal Sentissi verra plutôt une loggia pour une villa. «Le balcon est un héritage colonial. On parlera plus de terrasse extérieure pour les lieux de vie. Bien sûr, le balcon comme extension des chambres est répandu, mais paradoxalement il est peu usité pour des raisons culturelles. La vie intime doit demeurer à l’abri des regards», note avec pertinence notre architecte DPLG.
La ballade était plaisante. Tâchons de la poursuivre mais en imaginant que notre budget soit conséquent… Les espaces seront exogènes. La présence d’un fumoir, d’un bureau bibliothèque, d’une salle de jeux, d’une salle de fitness, d’un hammam, d’une piscine intérieure… est tout à fait envisageable dès lors que l’argent et la superficie sont là. Pour conclure, Fayçal Sentissi souligne que «l’habitat contemporain se veut sobre avec des matières et des textures en vogue, car la clientèle est de moins en moins profane. Elle est au courant des tendances car elle voyage physiquement et virtuellement via les médias. L’architecte doit donc synthétiser graphiquement les choix du client, puis l’accompagner et lui garantir un suivi technique. Il a donc un rôle de conseiller et de maître d’œuvre».
Quid des honoraires ? «Souvent on opte pour un forfait. Ce dernier varie d’un prestataire à un autre. Plusieurs paramètres sont pris en compte : difficulté, taille et durée du projet», précise notre professionnel. Aujourd’hui, l’esthétique et le confort sont toujours aussi recherchés, mais doivent composer avec des superficies de plus en plus réduites. Par ailleurs, les technologies modernes ont hissé la notion de «domotique» au sein de l’habitat, ce qui permet de la gérer électroniquement. Une véritable optimisation du confort et de la sécurité dont il convient néanmoins de ne pas devenir esclaves.
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